Interpréter les textes complexes

Interpréter les textes complexes

La lecture et l’explication ordinaires des textes à partir de la simple connaissance de la langue ne suffisent pas pour produire des parcours de sens ; la compréhension ne peut se suffire à elle-même, et le sens est le résultat d’une construction, notamment lorsqu’il s’agit d’un texte difficile et complexe. Comme le rappelle F. Rastier :

Dès qu’il faut interpréter un texte réputé obscur, on est tenté de choisir pour principe directeur une certitude sur ce que le texte doit dire. Le lui faire dire n’est ensuite qu’une question de méthode.

Rastier, 1989.

Ainsi, dans ce cas, le sens que les lecteurs (ou les interprètes) pensent découvrir provient de leurs connaissances immédiates et intuitives, de leurs connaissances transcendantes, et de la sympathie qu’ils ont pour ce texte.

Pour rompre avec la connaissance commune d’un texte, deux actions sont nécessaires. D’une part, il est crucial de construire ce texte comme un « objet dynamique », et non comme un « objet immédiat », selon la distinction de Peirce. Un objet dynamique inclut tout ce qu’il représente : adhésions, intuition immédiate, croyances populaires (superstitions), autorité, et expérience personnelle. Comme l’écrit E. Cassirer, « La relation à l’objet n’est pas ontico-réelle, mais symbolique » (Cassirer, 1957). Cela signifie qu’il faut définir le texte, même provisoirement, en lui assignant une notion distincte et objective.

D’autre part, « l’objet se trouve enlevé à la « transcendance » au sens métaphysique du terme ; mais, et c’est là ce qui caractérise la théorie critique de la connaissance, il est en même temps déterminé comme un être purement et essentiellement non intuitif » (E. Cassirer, 1957). Cette circonscription de l’objet est d’autant plus nécessaire qu’elle permet de l’aborder dans un cadre prédéfini, adapté à la problématique de la recherche, en ne considérant que la réalité prédéterminée.

Il est donc indispensable de se distancier de l’objet en utilisant des concepts théoriques, afin de pouvoir le décrire et l’analyser objectivement. Certains textes, comme les « textes de révélation », subissent souvent une décontextualisation maximale (F. Rastier, 2001) ; la construction de leur sens nécessite alors la restitution des premières actions (souvent oubliées) qui les ont vus naître.

Pour réussir cet exercice, nous préconisons une approche objective de ces textes. Lors de l’analyse des textes complexes, tels que les textes sacrés, une « contextualisation » maximale est requise. Pour ce faire, il est possible de commencer l’analyse par l’identification des différentes occurrences de mots et de les analyser en les reliant à leurs contextes immédiats, proches ou lointains.

L’urgence est donc à la relecture de ces textes à la lumière des théories, des méthodes et techniques des sciences sociales, afin de ne pas laisser la « vérité » et le « sens » à l’exemple, à l’image, à l’opinion, et enfin abandonner le monopole de la « raison » au plus fort. Plus que jamais, l’interprétation de ces textes doit susciter davantage la curiosité intellectuelle des sciences sociales[1], qui ne cessent de progresser et de consolider leurs acquis (cf. Rastier, 2001).


[1]. Alfred-Louis de Prémare (2002) appelle même à un  « réexamen critique des sources ».

Laisser un commentaire

Comments

No comments yet. Why don’t you start the discussion?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *