“La forme, c’est le fond qui remonte à la surface.”
(Victor Hugo)
Le “fond” d’un mot se rapporte à sa signification, c’est-à-dire au contenu qui lui est associé par l’usage (et qui peut être retrouvé dans le dictionnaire). Par exemple, le mot « serpent » évoque mentalement une classe de reptiles sans membres ou à membres rudimentaires, qui rampent sur la terre.
La “forme” d’un mot peut être définie comme le “véhicule de son contenu” (Louis Hébert). Il renvoie à sa prononciation (phonétique) et à son écriture (graphie). Par exemple, le mot « serpent » en français a une forme différente de celle du même mot en anglais (“snake”), en italien (‘’serpente’’), en espagnol (“serpiente’”). Comme on peut le constater, ces formes varient par leurs lettres et par leurs prononciations.
Dans un texte, le « fond » renvoie à son contenu (ce dont on parle, le thème ou l’histoire), tandis que la « forme » désigne la manière dont le contenu est structuré et exprimé à travers les ressources de la langue telles que les procédés littéraires, les moyens linguistiques utilisés par l’auteur pour produire un effet sur le lecteur, etc.
Ces deux réalités, le fond et la forme, constituent un tout indissociable dans le mot. Mais on sait pertinemment qu’aucun mot ne signifie individuellement – le mot « abracadabra » est une suite de sons sans signification. D’où le rôle important de la mise en forme du discours dans la construction du sens.
Le fond et la forme dans l’analyse littéraire
Lorsque l’on analyse un texte littéraire, lors de la rédaction d’un commentaire composé, il est nécessaire de chercher à associer la forme et le fond, c’est-à-dire, non seulement repérer les thèmes développés dans l’oeuvre, mais s’éfforcer de comprendre comment ces thèmes sont construits et renforcés par des choix structurels essentiels.
Il faut savoir que la mise en forme de ce contenu s’opère à travers différents procédés d’écriture :
Le narrateur, le genre, la versification, le style, les procédés rhétoriques, les tons, les niveaux de langue, les champs lexicaux, les figures de style, la structure des phrases, les temps et modes verbaux, la ponctuation, la structure du texte, la voix et le point de vue de narration, etc.
(Lafortune et Morin, 1996).
Alors que le fond et la forme sont indissociables dans le mot, formant ainsi sa signification, le “fond” est caractérisé de manière nouvelle à partir du moment où le mot est associé à d’autres mots de la phrase, du paragraphe et du texte. Cette combinaison lui confère une nouvelle valeur.
Ainsi, si le mot « femme » dénote en langue l’être qui dans l’espèce humaine appartient au sexe féminin ; la compagne de l’homme (sa signification littérale, objective), dans cette phrase de Victor Hugo :
“La femme est perfide et tortueuse. Elle déteste le serpent par jalousie de métier.” (Les Misérables : 178),
- Le fond : la vision négative de la femme.
- Forme : les procédés d’écriture utilisés (une analogie implicite, une connotation morale négative, une syntaxe simple).
Dans ce contexte, le mot « femme » reçoit une connotation négative : une personne compliquée, malhonnête, manipulatrice, etc. En effet, le sujet « femme », qui reçoit par l’intermédiaire du verbe d’état “est” un prédicat composé de deux adjectifs négatifs (« perfide et tortueuse »), est mis au même niveau que le « serpent » par une relation d’analogie implicite (métaphore). On peut dire que l’auteur place la femme au même niveau que le serpent. La syntaxe simple de ce passage renforce cette construction.